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Emeline Pasquier est une observatrice de l'entreprise à la double expérience, le conseil en organisation et stratégie, et le management en communication et développement durable. Elle est membre du bureau de l'association Innovation Citoyenne et Développement Durable (ICDD).

Le DRH, l’utilité sociale par excellence

Le Directeur des Ressources Humaines (DRH) n’a pas toujours la place qui lui revient, soit parce qu’il ne dispose pas de l’influence et des moyens nécessaires à sa fonction, soit parce qu’il n’est pas en mesure de couvrir l’ensemble des missions qui sont les siennes. Dans les deux cas, l’entreprise est non seulement en risque social, mais elle met en péril sa responsabilité sociale d’entreprise (RSE), son utilité sociale. Alors que nous savons le temps économique plutôt lourd et difficile, il m’apparaît intéressant de revenir sur cet acteur, à la fois bien connu mais souvent insuffisamment compris dans les subtilités de son rôle, le DRH.

La fonction de DRH est, à mon sens, aussi fondamentale que complexe. Une complexité que je souhaite mettre en lumière, car elle m’apparaît comme le cœur de ce qui distingue la fonction de DRH des autres fonctions de l’entreprise et qui la rend trop souvent sous exploitée dans ce qu’elle a de fondamentalement humain, sous représentée dans les plus hautes strates de l’entreprise où elle a nécessairement sa place, sous évaluée dans ce qu’elle représente de stratégique pour l’entreprise durable et responsable. Une politique RH solide, avec des fondamentaux et une vision d’avenir, est autant une promesse que l’on doit à ses collaborateurs qu’un gage de pérennité pour l’entreprise. Or, seul un DRH parfaitement maître de sa fonction sait traduire le projet de l’entreprise en enjeux humains et sociaux, et composer la politique RH adéquate, synchrone avec les ambitions et les impératifs économiques. Car, le DRH doit être aussi habile qu’un chef d’orchestre.

Un chef d’orchestre…

Le DRH est un chef d’orchestre à la double dépendance. Après avoir pris connaissance d’un projet d’entreprise qui devient progressivement le sien, il a la lourde charge de coordonner toutes celles et tous ceux qui vont lui donner vie, les collaborateurs. Bien au-delà de ce que l’on entend par management des hommes  (Qu’est devenu l’art de manager les hommes ?), le DRH est au projet d’entreprise un intermédiaire à la double dépendance. Il est autant au service de la Direction qu’au service de tous les collaborateurs quand il crée les conditions du social de l’entreprise, quand il règle cet équilibre entre toutes les composantes de l’entreprise pour en faire une œuvre commune. Car son orchestre est tout sauf un collectif de fait. Certains souhaitent le rejoindre, tandis que d’autres vont le quitter, parce qu’ils l’auront décidé ou parce qu’il en aura été décidé ainsi. Un orchestre si particulier que la partition à jouer est susceptible de changer à tout moment, tout comme son rythme qu’il faut pouvoir faire varier d’un instant à l’autre. Le DRH est un chef d’orchestre attendu par ceux dont il associe les talents pour donner du corps à l’œuvre collective ; il a la lourde charge de les recruter, de les former et de les faire évoluer. Il a ce devoir, si important et essentiel dans nos sociétés aujourd’hui (Le devoir de transmission ou le crime de lèse-entreprise), d’organiser la solidarité dans l’entreprise pour que les plus jeunes apprennent des plus anciens et que les plus anciens continuent de trouver leur place au sein d’un projet d’entreprise en perpétuelle évolution. Le DRH est aussi là pour gérer les conflits qui pourraient naître dans cette société interne à l’entreprise où se côtoient des individualités aux intérêts et aux ambitions aux combinaisons multiples et changeantes.

Tout comme le chef d’orchestre « est un prisme, une sorte de diamant, par lequel passent les faisceaux de toutes les individualités de l’orchestre » (cf. Arturo Toscanini, chef d’orchestre), le DRH absorbe les exigences et les enjeux sociaux, tout comme les contraintes et les difficultés, afin de permettre à l’entreprise de disposer du meilleur né de la réunion de l’ensemble de ses collaborateurs. Il doit pour cela créer ces ponts de lien social qui unissent celles et ceux qui ne font pas les mêmes métiers, n’évoluent pas dans les mêmes espaces, incarnent la diversité ; il est ce traducteur social universel capable d’absorber les différences pour qu’elles s’intègrent d’un seul tenant, sans reniement ni compassion, mais dans un profond respect à partager collectivement.

Un travail rigoureux, en permanence dans le mouvement et dans l’écoute. Un travail d’expert, particulièrement attentif aux évolutions réglementaires mais aussi et surtout aux évolutions d’un monde, celui du travail et de l’emploi, aux enjeux complexes car cosmopolites. Un travail particulièrement exigeant et exposé, puisqu’en bon intermédiaire, il est à la croisée des chemins. Direction, collaborateurs, syndicats, représentants du personnel, candidats, le DRH est l’interlocuteur privilégié des parties prenantes internes de l’entreprise. En somme, un travail pour une fonction qui, j’en suis intimement convaincue, ne s’improvise pas. Une fonction qui commande plus que tout de celles et ceux qui en font la leur une expérience et une compétence réelles, associées à des personnalités qui ont épousé, en même temps que la fonction la cause sociale dans ce qu’elle représente de plus intègre et juste. Derrière ces personnalités, je pense à des hommes et des femmes de talents qui ont connu l’épreuve du terrain et qui ont fait leurs preuves. Je pense à des hommes et à des femmes qui ont vécu ces situations d’entreprise (opérations de fusions et acquisitions, plans sociaux et plans de redressements, etc.) où les choix sont difficiles à faire parce qu’il n’y a rien d’évident, parce qu’il y a toujours des incidences et que ce qui sera décidé deviendra un compromis.

Un homme ou une femme d’expérience…

Un DRH est pour moi un homme ou une femme d’expérience, voire d’expertise. Qui a vu des généraux qui n’avaient pas été commandants (puis colonels,…) ; je vous prie d’excuser par avance les quelques cas d’exception de l’histoire (Napoléon, De Gaulle, de Hauteclocque) ? Nommer des DRH trop jeunes et surtout trop peu expérimentés ce n’est pas raisonnable et cela s’inscrit en faux contre la RSE. Ce n’est pas raisonnable car cela comporte d’énormes risques pour l’entreprise. Des risques financiers, si trop d’erreurs sont commises faute d’approximations, de méconnaissance des lois et du droit. Des risques d’image aussi. Mais aussi et surtout des risques humains, si la politique des RH est absente ou bancale (La formation, clé de voûte d’un développement durable) et ne devient, ce qui m’apparaît le risque le plus évident, qu’une simple gestion des ressources humaines, sans projection ni projet, sans ambition, ni vision (L’allégorie du tailleur de pierre).

A ce propos, combien d’entreprises ont en réalité des GRH (Gestionnaires des Ressources Humaines) à la place de DRH ? Combien d’entreprises ont perdu le sens social qu’une vraie politique des RH permet de conserver durablement ? Certains vous le diront, il y a des DRH pour licencier et qui savent vous obtenir les meilleures transactions, des DRH, au contraire, pour gérer le quotidien, l’administratif mais surtout pas les imprévus, il y a aussi des DRH parce qu’il faut bien des DRH mais qui n’ont ni les connaissances, ni les compétences nécessaires pour endosser le costume, en particulier cette capacité à prendre du recul et de la hauteur afin de prendre les meilleurs choix qui s’imposent quand la situation le demande. Et faire les bons choix aux bons moments, c’est une faculté de discernement qui ne mégote pas sur l’expérience. Et tous les outils du monde, les fameux SIRH ou autres logiciels pour les RH n’y feront rien. Un bon DRH est d’abord et avant tout un homme ou une femme engagé(e) et rompu à l’exercice de ce qui fait société dans l’entreprise. En cela, le DRH représente pour moi l’utilité sociale par excellence.

L’utilité sociale par excellence…

L’ère de la communication a cela de perturbant de réinventer ce qui existait déjà par le passé (Le renouveau de l’utilité sociale ou la RSE symbole d’une époque), parfois même beaucoup mieux, et sait créer l’illusion de la nouveauté. Au risque de choquer les plus fervents défenseurs du développement durable, j’ai envie de dire que si le DRH excelle dans son entreprise alors le volet social du développement durable n’a pas besoin d’autre acteur. Et si je devais donner une définition actuelle du rôle du DRH, je dirai qu’il a pour mission de créer du lien social entre le passé, le présent et le futur de l’entreprise. En cela, il est un médiateur intemporel, tout simplement essentiel. Le DRH incarne à lui-seul une mission d’utilité sociale par excellence, puisqu’il sert la société toute entière en s’attachant à servir le devenir de l’entreprise et de ses collaborateurs.

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